Après le limogeage de Monisha Kaltenborn et avant l’arrivée de Frédéric Vasseur chez Sauber, nous nous penchons sur l’histoire récente de l’écurie helvétique et sur les raisons qui ont poussé ses nouveaux propriétaires à changer de team principal.

Depuis 2012 Monisha Kaltenborn, cette brillante juriste autrichienne d’origine indienne, est au commandes de l’écurie Sauber. Et depuis cette date, elle n’a pas arrêté de se battre pour la survie de l’entreprise chère à son fondateur Peter Sauber.

Actionnaire à 30 % après la reprise du team conséquente au retrait de BMW en 2010, Monisha devint début 2012 la première femme de l’histoire de la Formule 1 à occuper le poste de Team Principal d’une écurie. Mais la Formule 1 coute cher, très cher et la vie d’une petite équipe sans soutien d’un constructeur, est de nos jours des plus compliquées. Comment rivaliser avec Ferrari, Mercedes, Red Bull etc … qui fonctionnent avec des budgets souvent trois fois supérieurs ?

Monisha Kaltenborn

Monisha Kaltenborn fut la première femme Team Principal en F1, ouvrant la voie à Claire Williams.

Felipe Nasr

La saison 2015 avait très bien commencé. En Australie, le rookie Felipe Nasr, engagé tant pour ses qualités entrevues en GP2 et chez Williams (comme pilote d’essais) que pour son généreux sponsor Banco do Brasil, accrochait une incroyable 5e place pour son tout premier Grand Prix. Le jeune Brésilien (22 ans) rivalisa toute la course avec les meilleurs, et sans complexe résista à Daniel Ricciardo sur une Red Bull bien plus performante dans les derniers tours à Melbourne.

Nasr, excellent tout au long de sa première année en F1, aligna les bons résultats pendant la saison, terminant avec sa modeste Sauber six fois dans les points, tout en dominant son plus expérimenté équipier Marcus Ericsson, tant aux essais qu’en course. Au classement final, Nasr avec 27 points devançait largement Ericsson (9 points seulement), il n’ y avait pas photo. Les qualités de finisseur du natif de Brasilia permirent également à Sauber de devancer la puissante écurie McLaren au championnat constructeur, une 8e place finale synonyme de revenus conséquents (55 millions de dollars), qui croyait-on devaient assurer la survie de la formation basée à Hinwil.

Monisha-Kaltenborn

En 2015, Felipe Nasr réalisa des performances de choix et domina copieusement son équipier.

Négociations Kaltenborn – Longbow Finance

Ce n’était pas le cas et Monisha Kaltenborn commença fin 2015 des négociations de rachat de l’écurie avec les soutiens de Marcus Ericsson. Le sympathique Suédois n’a jamais été un foudre de guerre. Pilote moyen en GP2, il doit son ascension aux amitiés qu’entretient son père avec deux des plus grandes fortunes de Suède. En effet, derrière la firme Longbow Finance avec laquelle Kaltenborn négociait, se cachent les patrons de H&M et de Tetra Pak, valant à eux deux (d’après le magazine Forbes) plus de 30 milliards de dollars.

Pendant ces négociations, les performances de Marcus Ericsson s’améliorèrent par rapport à celles de son prometteur équipier. A la surprise générale, le Suédois parvenait à égaler voire quelques fois à devancer Nasr, qui se plaignait pour sa part de ne plus disposer d’un matériel aussi affûté que celui de son équipier. Nouvelles pièces, évolutions : toute l’attention de l’écurie, toutes les ressources allaient à Ericsson, d’après l’entourage du pilote Brésilien. Mais le microcosme de la F1 ne percevant pas ce contexte, l’étoile de Nasr pâlit.

Forte des bons résultats d’Ericsson, Monisha Kaltenborn pu mener à bien les négociations et convaincre Longbow Finance de racheter Sauber. Au passage elle réussit donc à vendre les 30 % d’actions qu’elle détenait. Elle assura l’avenir de l’écurie et resta au poste de Team Principal. Avait-elle sacrifié le prometteur Nasr pour sauver son équipe ? Personne ne peut l’affirmer avec certitude.

Marcus-Ericsson

Marcus Ericsson bénéficie de soutiens puissants dans son pays pour garantir sa place en F1.

 

Nasr

L’exploit de Nasr au dernier Grand Prix du Brésil ne lui a pas permis de conserver son volant…

Pascal Wehrlein

Fin 2016, Nasr perdant le soutien de Banco do Brasil ne fut pas reconduit pour 2017, malgré une autre formidable performance chez lui à Interlagos. Avec la voiture la moins rapide du plateau, il fit des miracles sous la pluie, et accrocha une 9e place miraculeuse. Les deux unités accrochées à l’arraché furent les seuls points de Sauber de toute la saison et assurèrent un prize-money conséquent à l’équipe suisse. C’est pourtant l’Allemand Pascal Wehrlein qui fut engagé pour la saison 2017. Le jeune espoir (23 ans), dont la carrière est managée par Toto Wolff, domine lui aussi Ericsson cette saison malgré les séquelles de son accident à la Race of Champions qui l’a privé des deux premiers Grands Prix au profit d’Antonio Giovinazzi.

Et voilà qu’on nous annonce, juste avant le Grand Prix de Bakou, que Monisha Kaltenborn quitte l’écurie en raison de “divergences d’opinions concernant le futur de la société.” Il se murmure pourtant que ces divergences provenaient de son refus de favoriser Ericsson au détriment de Wehrlein… Rumeurs évidemment démenties par le président de l’écurie Pascal Picci, mais qui expliqueraient pourtant bien des choses tant que d’autres causes ne seront pas connues. Picci a rencontré Fred Vasseur jeudi à Hinwil et il semble que le manager français reprendra les rênes de l’écurie dès le prochain Grand Prix en Autriche. Connaissant le caractère entier du patron d’ART Grand Prix, on le voit mal ne pas obtenir carte blanche des actionnaires de Sauber pour mener le team selon son éthique de la course, raison pour laquelle il avait quitté le Renault Sport F1 Team voici quelques mois…

Fred Vasseur

Fred Vasseur est proche de Toto Wolff, dont Pascal Wehrlein est l’un des protégés.